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Enfants sans-abris

Niños del Rio 

Lima (Pérou) 

Juillet 2021.

Le Pérou étant une étape incontournable lors d’un voyage en Amérique du Sud, nous étions tout en joie d’y effectuer une nouvelle mission humanitaire! Si nous avions initialement jeté notre dévolu sur un programme venant en aide aux immigrants vénézuéliens, si nombreux à fuir la condition de leur pays, nous n’avons finalement pas pu concrétiser ce projet, l’ONG concernée peinant à nous répondre pour nous organiser…

… mais pour le mieux, car nous avons découvert l’organisation Niños del Rio, qui lutte pour le bien-être des enfants sans-abris (5-18 ans) de Lima. C’était sans compter la pandémie actuelle, qui nous a à nouveau compliqué la tache, toutes les activités associatives étant suspendues. Le personnel a quand même gentiment accepté de nous ouvrir ses portes afin de nous sensibiliser à leur cause… et comme aucun geste n’est trop petit, nous n’avons pas pu résister à l’envie de mettre notre pierre à l’édifice.

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Problématique

Lima, capitale du Pérou et cinquième plus grande ville d’Amérique du Sud, compte aujourd’hui environ 10 millions d’habitants, dont plus de la moitié en situation de pauvreté. Ces inégalités se reflètent dans le “mur de la honte”, un mur en béton haut de 3 mètres et épais de 50 cm surmonté par endroits de barbelés, et qui sépare le quartier riche, Las Casuarinas, du plus grand bidonville du pays, Pamplona Alta.

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Le mur agit pour ces populations défavorisées comme le miroir de leur condition et le rappel permanent de ce qu’ils ne peuvent pas être et avoir. 35% des enfants péruviens travaillent pour subvenir aux besoins de leurs familles. Le même pourcentage représente la proportion de ceux qui vivent en dessous du seuil de pauvreté ($1,90/jour). Par conséquent, des centaines d’enfants vivent dans la rue, complètement livrés à eux-mêmes. Ces derniers ont fui leur environnement malsain pour diverses raisons: abandon, violences, pauvreté… et ont préféré se réfugier dehors. Ils quittent généralement les régions rurales environnantes (Huancavelica, Ayacucho, Huanuco…) pour la capitale dans l’espoir d’améliorer leur quotidien. Ils finissent bien souvent à Rimac, un quartier qui connaît plusieurs problèmes, tant sociaux, économiques qu'environnementaux: peu d'implication du gouvernement, manque de ressources, peu d'espaces verts, détérioration des logements, mauvais entretien des rues et pollution.

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Les garçons y arrivent en moyenne à l’âge de 9 ans et les filles à 14-15 ans. Regroupés dans différentes zones et dans des conditions d’hygiène primaires, ces enfants sont connus sous le nom peu flatteur de « piranhitas ». Ils survivent par le biais de la mendicité et sont souvent exploités à des fins économiques (3 millions de mineurs) comme travailleurs, parfois sexuels... Les addictions sont très fréquentes, les jeunes étant vulnérables et influençables. Facilement accessible dans la rue, la drogue leur permet de s'évader et d’oublier leur détresse. Vivant dans un climat permanent d'insécurité, ils se cachent de la police qui effectue régulièrement des rafles (les «batidas ») pour les chasser du centre-ville. Rien n’est plus fragile que la vie de ces enfants, rejetés par la société, marginalisés, blessés dans leur dignité, perdus, affaiblis par les maladies et la dépendance à la drogue. Très méfiants, il est difficile de gagner et d’entretenir leur confiance pour pouvoir les accompagner vers une vie meilleure. Sans assistance, leur durée de vie ne dépasse pas 30 ans, les drogues consommées étant de plus en plus fortes et donc de plus en plus dégénératrices. Heureusement, certaines organisations (pas assez), comme Niños del Rio, parviennent à leur venir en aide à temps.

Niños del Rio 

L’histoire de Niños del Rio débute en 1999 lorsqu’un étudiant originaire de Metz, Olivier, voyage en Amérique Latine et souhaite s’investir dans un projet humanitaire. C’est un pasteur péruvien qui le confronte au phénomène des enfants de rue. Pendant plus de 7 mois, il observe, écoute et analyse leurs carences et besoins. C’est sur la base de ses constats qu’en 2000, l’association Enfants du Rio en France et sa jumelle Niños del Rio à Lima furent créées.

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Depuis ce jour, Niños del Rio ne cesse d’essayer de construire des relations de confiance avec les enfants de la rue pour les accompagner dans leur processus de réinsertion dans la société, processus qui demande du temps et qui peut se révéler chaotique, les tentations de la rue étant souvent trop fortes. La réussite d’une réinsertion demande d’être présent au bon moment et d’être attentif aux envies de l’enfant: intégrer un foyer d'accueil, retrouver sa famille, apprendre un métier, aller à l’école… L’association se distingue non seulement par son aide directe aux enfants sans-abris, mais également par sa volonté de traiter le problème à la source et de casser le cercle en se focalisant sur la motivation, l’estime de soi et l'autonomisation de l’enfant. Cette stratégie a déjà porté ses fruits, 400 enfants ayant bénéficié de soins médicaux, 315 000 repas ayant été distribués, et les actions de réinsertion ayant touché plus de 2000 jeunes. Pour atteindre ses objectifs, l’association a développé diverses activités:

  • Les maraudes

Chaque semaine, les équipes sortent entre 22h et 23h pour établir un premier contact avec les enfants et adolescents vivant dans la rue (plus de 100 chaque année). Les zones d’intervention se définissent selon les nécessités de la population. L’équipe leur propose alors des activités, jeux ludiques, de la musique ou tout simplement de discuter en toute amitié, dans l’idée de leur accorder du temps et de l’attention dans leur lieu de vie. Un lien est alors créé indépendamment de la distribution de nourriture, de vêtements ou autre.

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Une fois leur confiance gagnée, les enfants sont libres de venir à la Casa Taller, une maison d'accueil de l’ONG dédiée à leur réinsertion sociale.

  • La Casa Taller

La Casa Taller est une maison d’accueil de jour pour les jeunes en situation de rue ou en risque de l’être.

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L’objectif est d’assurer, de promouvoir et de préparer le retour de l’enfant dans sa famille ou son entrée dans un foyer d’accueil. Pour y parvenir, l’association leur confie des responsabilités, ouvrent des espaces de participation et d’interaction, et renforcent leurs attitudes positives: si un enfant souhaite manger, il doit cuisiner lui-même; s’il souhaite de nouveaux vêtements, il apprend à coudre pour d’abord réparer les siens; s’il a besoin de les laver, il est encouragé à faire sa propre lessive... Au sein de la Casa Taller, leurs besoins essentiels (hygiène, alimentation, santé) sont assurés, et un accompagnement socio-éducatif est mis en place, basé sur la volonté de l’enfant.

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Les activités proposées répondent à plusieurs thématiques: 

  • Prendre soin de son hygiène ainsi que de ses affaires

  • Nettoyage commun de la maison

  • Partage d’un repas pour se détendre, faire le point sur la journée et partager ses expériences

  • Ateliers de formation permettant de dresser un profil sur les valeurs, les compétences, les connaissances générales et les points forts de chacun

  • Soutien scolaire et parfois aide financière pour la scolarisation de l’enfant

  • Échanges à travers des jeux de société 

  • Cours d’informatique et formations variées, avec à la clé un certificat de participation qui peut valoriser les compétences sur le marché du travail

  • Opportunités de laisser s’exprimer sa créativité à travers l’art, la musique, le dessin, le sport (judo, vélo…), la cuisine, etc.

  • La Casa Agagida

La Casa Agagida correspond au foyer de Niños del Rio accueillant une quinzaine de jeunes au sein d’appartements situés dans le quartier de Rimac.

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Dans le cadre du parcours d’insertion initié au sein de la Casa Taller, l’objectif est de donner aux jeunes la stabilité nécessaire afin de pouvoir se réinsérer socialement et d’être en mesure d’accomplir leurs projets. Les enfants disposent ainsi d’un endroit sain et sécurisé où passer la nuit, avant de partir le matin pour l’école ou leur formation professionnelle (dans le cas des adolescents). L’après-midi, ils ont la possibilité de participer aux activités de la Casa Taller.

  • Suivi des enfants

Les enfants peuvent bénéficier d’un suivi médical ainsi que d’un soutien dans leurs démarches administratives (obtention de la carte d’identité, du livret de naissance, processus judiciaires…). La famille est aussi sollicitée pour que les facteurs familiaux ayant poussé le jeune à fuir s’atténuent, voire disparaissent. Des jeux ludiques sont mis en place pour promouvoir l’unité familiale lorsque le jeune exprime spontanément l’envie de regagner sa famille ou d’intégrer un foyer d’accueil. La base fondamentale de cette intervention est de réaliser un accompagnement personnalisé pour renforcer la sortie de la rue.

  • Formations professionnelles

Au fil des années, les équipes de Ninos del Rio ont mis en place deux formations professionnelles pour permettre aux enfants de se former aux métiers qui leur plaisent:

  • Pana del Rio

Depuis 2016, l’ONG a ouvert un foodtruck “boulangerie-pâtisserie” solidaire dans les rues de Lima. Les recettes des ventes permettent à l’association de ne pas seulement dépendre des dons. Cette formation s’intègre dans un parcours plus large de réinsertion dédié aux métiers de bouche.

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  • Pintado Nuestro Camino (“painting our way”)

Depuis 2018, des ateliers de sérigraphie sont proposés à la Casa Taller pour apprendre à imprimer des vêtements et autres accessoires (sacs écologiques par exemple).

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Le développement de “soft skills” (estime et image de soi) est encouragé afin de motiver la poursuite du processus de sortie de rue. Des ateliers de gestion sont également mis en place (finance, marketing, vente) pour lancer la commercialisation de produits (vêtements  et sac imprimés, etc.). Ceux-ci portent des messages visant à sensibiliser la population à la problématique des enfants en situation de rue. Grâce à ce programme, les adolescents prennent confiance en eux, disposent d’un savoir faire pour se réinsérer, et apprennent à assurer leur propre revenu économique.

  • Projet cortinas écologicas (jardinerie)

Un projet éco-éducatif et communautaire de sensibilisation des jeunes au respect de l’environnement a été mis en place: c’est le projet «Cortinas Ecologicas para el Buen Vivir». Bien plus qu’une formation permettant d'acquérir un savoir professionnel et technique en jardinerie, cet apprentissage donne également les ressources pour prendre confiance en soi et apprendre les valeurs du travail telles que la ponctualité, le respect et le travail d’équipe. Le but est de renforcer les capacité sociales et la stabilité émotionnelle.

  • Informatique, mécanique auto-moto

Ces formations sont enseignées dans le centre partenaire CETPRO.

Notre participation

Toutes les activités de l’association étant momentanément suspendues à cause du Covid, nous n’avons pas eu la chance de pouvoir venir en aide directement aux enfants. 

Mais le nombre d’articles d’hygiène récoltés lors de nos séjours en hôtels a fait naître en nous une idée pour contribuer à notre manière: faire le tour des structures hôtelières de Lima à la recherche de produits hygiéniques (savon, shampooing, lotion, brosse à dent, dentifrice, papier toilette) et les remettre à l’organisation.

Nous avons globalement été satisfaites de notre collecte, la moitié des gérants ayant accepté de coopérer. Notons tout de même que les jeunes ont été plus enclins à donner que les personnes âgées.

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Fières de nous, nous avons ensuite rencontré la psychologue de l’association pour échanger sur le fonctionnement de l’ONG et la problématique des enfants de la rue de Lima.

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Difficultés & Obstacles

Après nous avoir expliqué l’historique et le contexte de l’ONG, la psychologue nous a fait part des difficultés que rencontre Niños del Rio:

  • Il y a bien sûr la pandémie. Le gouvernement ayant instauré des restrictions sanitaires telles que la distanciation sociale et le couvre-feu, l’ONG a dû suspendre les maraudes et fermer la Casa Taller. Les enfants se sont retrouvés confinés dans leurs familles respectives, deux d’entre eux ayant même été accueillis par des membres de l’équipe. Niños del Rio est heureusement parvenue à mettre en place un système d’envoi de nourriture aux familles les plus démunies grâce à un partenariat avec une association locale.

  • La dépendance à la drogue reste un obstacle majeur à la réinsertion sociale de l’enfant. Le sevrage prenant 3 à 6 mois, il est fréquent que les enfants quittent la maison d’accueil par besoin addictif, pour revenir quelques mois plus tard. Il faut alors tout recommencer. 

  • Les familles peuvent également constituer un certain frein. Dans les foyers défavorisés, nombreux sont en effet les adultes dépendant financièrement de leurs enfants, qui représentent une source de revenus. Il est alors difficile d’encourager l’autonomisation de l’enfant, que ce soit concernant l’éducation, la scolarisation ou la professionnalisation. Les familles peuvent aussi être elles-mêmes consommatrices de drogues. Le travail de l’association ne se réduit donc pas seulement au bien-être de l’enfant, mais aussi à celui de leurs familles pour briser le cercle.

  • Enfin, la cause des enfants sans-abris souffre de sa mauvaise image sociale. Qui dit extrême pauvreté, dit aussi souvent mendicité, mauvaise gestion de soi et délinquance. Les personnes susceptibles de les aider ne perçoivent que les symptômes de leur mal-être, et non le cadre instable et le manque de ressources dont ils souffrent. L'ONG qui dépend principalement de dons doit donc constamment faire appel à des donateurs extérieurs. D’ailleurs, si la problématique des enfants de la rue vous touche et que vous souhaitez les aider, il est possible de faire un don à Niños del Rio ICI.

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A méditer

Même si en Europe, nous ne sommes pas vraiment directement concernés par la problématique des enfants sans-abris, nous sommes chaque jour confrontés à des personnes SDF qui se battent pour rester en vie. En passant près d’eux dans la rue, il est bien souvent difficile pour nous d’ouvrir les yeux et de ressentir leur peine. Cela réveillerait en nous beaucoup de culpabilité et nous rappellerait à quel point nous sommes chanceux. Nous nous trouvons également des excuses pour ne pas les aider, comme “de toute façon, cela ne changera rien”, ou “si je commence comme ça, je n’ai pas fini, il y a tellement de gens dans le besoin”. Cela n’est jamais vrai, car même s’il n’est pas aisé d’aider à grande échelle, il est possible de faire une différence pour ne serait-ce qu’une seule personne. Un bout de pain, une bouteille d’eau, un vêtement… C’est à la portée de nous tous. 

Cela contribuerait également à la réduction du gaspillage, que ce soit alimentaire, vestimentaire, hygiénique, etc. Nous surconsommons nos ressources à vitesse grand V. L’environnement et ce qu’il produit n’ont pas le temps de se régénérer. Jeter quelque chose, c’est le perdre pour toujours, et ça en devient irrespectueux envers toutes ces personnes qui n’ont pas nos privilèges. Alors pourquoi ne pas donner? Si vous ne rencontrez pas de personnes en difficulté au coin de votre rue, il y a toujours des associations qui viennent en aide aux individus qui n’ont pas les mêmes chances que nous. Pour n’en nommer que quelques-unes actives en France: la Croix Rouge, le Secours Populaire, Emmaüs, Action contre la faim, Handicap International… Ces ONG seraient ravies de récupérer du matériel (vêtements, produits d’hygiène, ustensiles, jouets, livres, vaisselle, électronique, meubles…). Ce sera peut-être même le cadeau de Noël d’une personne sur terre...

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