Viabilité Environnementale
Communauté Kichwa
Amazonie (Equateur)
Juin 2021.
Qui dit Amérique du Sud dit forcément Amazonie! Et même si la plus grande forêt tropicale du monde n’était pas forcément au programme, nous aurions eu des regrets si nous n’avions pas eu le courage de séjourner dans cet environnement qui peut-être un jour viendra à disparaître. En effet, plus notre tour du monde évolue, plus notre voyage émotionnel aboutit: notre vision du monde s’enrichit et se construit.
La forêt amazonienne constitue un territoire immense, représentant à elle seule plus de 547000km² répartis sur neuf pays d’Amérique du Sud. Elle est ainsi plus grande que la France métropolitaine toute entière! Son importance capitale dans la lutte contre le réchauffement climatique (régulation des gaz à effet de serre), les ressources dont elle recèle, les populations qui l’habitent et les attentions qu’elle suscite ont donc fait du plus grand réservoir de diversité biologique une étape essentielle dans la visée humanitaire de notre projet. Vous l’aurez compris, ce n’est pas pour ses insectes et autres petites bêtes que nous nous sommes rendues dans le bassin amazonien, mais bien pour y rencontrer ses peuples dont l’expérience et le mode de vie pourraient tous nous faire grandir.
L’idée de vivre cette expérience à travers une mission de volontariat en Equateur est apparue naturellement: petit pays, petites distances... Humainement et logistiquement parlant, il s’agissait de notre meilleure chance!
Problématique
L’enjeu actuel est “simple”: la survie de la Terre et de la biodiversité face au dérèglement climatique, capable de tuer beaucoup plus de personnes que le Covid.
Depuis la révolution industrielle il y a 150 ans, s’est dégagée une course frénétique au profit et à la démesure des activités humaines: surexploitation du charbon, du pétrole, du gaz, de la pêche, de l’agriculture, de l’élevage… La culture du “toujours plus”! La planète crie: fonte des glaciers, déforestation, sécheresses, inondations, catastrophes naturelles de plus en plus fréquentes... Selon WWF (2020), 70% du vivant a été rayé de la surface de la planète en à peine 50 ans.
La forêt amazonienne en particulier est en proie aux flammes et c’est une catastrophe écologique majeure, car c’est une ressource planétaire inestimable: un quart des espèces mondiales y vivent (plus de 30000 espèces de plantes, 2500 de poissons, 1500 d’oiseaux, 500 de mammifères, 550 de reptiles et 2,5 millions d’insectes selon l’Organisation du Traité de Coopération Amazonienne), entre 5 à 10% de l’oxygène mondial y est produit, la pluie y est régulée et le carbone capté. Normalement…
En 2019, les incendies en Amazonie ont dangereusement augmenté de 60% par rapport aux trois années précédentes. Au total en 50 ans, près d’un quart de la forêt amazonienne a disparu (WWF, 2021).
En cause: l’agriculture et l’élevage, principalement. Énormément de soja brésilien est exporté pour nourrir les animaux d’élevage vers la Chine (80%) et la France (2 millions de tonnes par an; Greenpeace, 2021) entre autres. La déforestation est donc majoritairement due à nos importations mais aussi à notre modèle agricole, car pour rendre la terre cultivable, des techniques de défrichement par brûlis sont utilisées. Cette déforestation massive a un réel impact sur notre planète car elle provoque un dérèglement des pluies, habituellement alimentées par l’évapotranspiration des arbres. Moins il y a d’arbres, moins il y a de pluies.
L’Amazonie fonctionne également comme un puits de carbone: elle stocke 90 à 140 milliards des tonnes de gaz à effet de serre que nos activités engendrent (WWF, 2020). En la brûlant, le carbone est relâché dans l’atmosphère… Depuis 2010, la forêt émet ainsi plus de carbone qu’elle n’en absorbe (INRAE, 2021). Une vraie catastrophe qui accélère la dérégulation climatique.
Pour réduire leur empreinte écologique, beaucoup de personnes se tournent vers un mode de vie autosuffisant partiel ou total. Consommer moins et mieux (alimentation, énergies…), respecter la nature, répondre à ses besoins vitaux localement, éviter le transport de ressources, nombreux sont les liens entre notre mode de vie et les conséquences environnementales. Depuis des millénaires, des tribus autochtones dans le monde entier vivent naturellement en autosuffisance et ne dépendent quasi pas d’autres acteurs pour survivre. C’est le cas de peuples en Afrique comme les Maasaï, aux côtés desquels nous avons séjourné en novembre 2020 (récit à retrouver ICI), ou de communautés d’Amazonie.
La communauté indigène Kichwa
La communauté indigène Kichwa regroupe des familles ayant gardé en commun: une même langue, une même histoire et une vision du monde basée sur la relation entre l’univers, la terre et l’homme. Les piliers de leur culture sont le rapport à la terre et la solidarité.
Nous avons de suite ressenti ces valeurs en séjournant chez Misael, sa femme Belen, et son fils Dionel. Misael étant le plus jeune d’une fratrie de 7, il a à sa charge ses parents, comme le veut la tradition. Nous partageons donc également la maison avec eux. Nous sommes accueillies avec chaleur et bienveillance dans cette famille d’Uchuculin, petit village situé à une demie heure de Tena à la lisière de l’Amazonie. En pleine jungle, l’environnement nous frappe directement: des arbres et des nuances vertes à perte de vue! Nous gardons cependant quelques repères grâce à la proximité avec la ville: électricité, internet, frigo et lit avec moustiquaire.
Un bon compromis pour ne pas se sentir trop désorientées. Le neveu de Misael, Efrain, nous avouera “que si la modernisation les envahit désormais, il est difficile de rejeter tout le confort qu’elle apporte”. Malgré l’évolution du monde et ce que cela implique, la famille de Misael a tout de même gardé son mode de vie partiellement auto-suffisant et en harmonie avec la nature. Leur savoir est sans limite et la conclusion que nous tirons très vite dès nos premiers instants avec eux est “qu'il y a tout dans la jungle et qu’on peut tout faire avec!”
La jungle amazonienne
La selva, hostile mais incroyablement belle et riche! Il est 8h, nous sommes à peine levées, à juste 30m de la maison, et nous nous retrouvons au cœur d’une forêt extrêmement dense et diversifiée sans que nous ayons eu le temps de comprendre cette transition. A peine 10 minutes sont passées que nous devons déjà traverser une rivière avec de l’eau jusqu’aux genoux. Marie qui s'attelle depuis notre départ à ne pas salir ses affaires est prise au dépourvu: “elles servent à quoi nos bottes en caoutchouc?”
Tout au long de notre volontariat, nous sommes amenées à voir des décors plus grandioses les uns que les autres grâce à Misael et Efrain, qui fiers de leurs terres, se surpassent pour nous en faire découvrir toutes leurs beautés: points de vue, rivières, grottes, végétation luxuriante… Si nous savions que l’Amazonie était magnifique de par les retours d’autres voyageurs, jamais nous nous serions doutées qu’elle pouvait offrir tant de paysages différents.
Mais ces paysages se méritent… et à hauteur de plusieurs heures de treks plutôt très humides! Même si ce n’est pas notre première dans la jungle (rencontre des orangs-outans en Indonésie), l’atmosphère qui réside dans le bassin amazonien se distingue. Les énergies présentes dégagent une grande mysticité dont la force pourrait facilement nous manger. On ne fait d’ailleurs pas trop les malignes lorsque nous perdons Misael, même si ce n’est que pour quelques minutes...
La jungle est en effet un véritable labyrinthe d’arbres, feuilles et lianes. On se demande comment ils peuvent retrouver leur chemin là-dedans! S’il y a quelques petits “sentiers” créés par la régularité des vas-et-viens vers les ressources alimentaires et médicinales, impossible de partir à la conquête de cet environnement sans sa machette! Une sorte de tronçonneuse traditionnelle...
Sans parler de ses résidents, que ce soit ces troncs à épines ou ce serpent, l’un des plus dangereux au monde (une morsure et on peut en mourir en 20 minutes…). La selva amazonienne reste un endroit quelque peu inhospitalier si on ne la connaît pas.
Et du savoir, il en faut pour pouvoir vivre ici! Qu’il soit question de s’alimenter, se soigner, se loger ou simplement arpenter ce terrain accidenté, les habitants connaissent toutes les plantes, les arbres et les animaux sur le bout des doigts. Ils sont une véritable mine d’informations dont notre monde “moderne” pourrait bien s’inspirer!
Notre participation à leur mode de vie
Nous nous sentons extrêmement chanceuses de pouvoir partager quelques jours avec la communauté, et notre volontariat nous permet de nous enrichir quotidiennement. Nous avons l’opportunité d’apprendre en pratiquant et de réellement échanger sur de nombreux sujets.
Indépendance alimentaire
La jungle est particulièrement riche de ressources nutritives, et le sol et le climat y sont parfaits pour cultiver certains produits essentiels à l’alimentation de la communauté, qui est à la fois productrice et consommatrice de ces denrées. C’est le cas du yucca, sorte de manioc local, dont ils se nourrissent tous les jours.
Il s’agit de leur aliment préféré, et ils le déclinent sous toutes ses formes possibles et inimaginables! Je suis évidemment très curieuse de goûter cette racine comestible, et Marie ne manque pas de le faire savoir à Misael! C’est ainsi qu’un jour à 17H30 tapantes, il nous demande de (re)chausser nos bottes pour aller chercher le repas du soir! Le yucca ne vient donc pas du supermarché de Tena? Couvertes de la tête aux pieds pour s’assurer qu’aucun insecte nocturne ne se faufile entre nos couches de vêtements, nous voilà (re)parties dans la jungle à la recherche du dîner!
Misael nous indique l’emplacement et commence à déterrer le yucca avant de nous laisser faire. On tire le petit arbuste, les racines de yucca jaillissent de terre, on les récolte en les coupant puis on replante directement le plant.
Une règle essentielle dans la selva: on ne prend que ce que l’on consomme à court terme (deux à trois jours maximum). La communauté n’utilise pas de frigo (vide à notre arrivée) pour conserver leurs aliments et préfère se rendre régulièrement en forêt pour ne pas gaspiller. De retour à la maison, c’est atelier cuisine et feu de camp! Au menu: frites de yucca et petits pavés de purée de yucca au fromage (d’abord cuits à l’eau, puis écrasés, puis compactés, et enfin rôtis). Et le moins que l’on puisse dire, c’est que c’est un aliment économique, nutritif et vraiment rassasiant! On se régale de ce goût similaire à la pomme de terre et on se dit que l’on reproduira volontiers ça en rentrant!
Le climat exotique de la jungle amazonienne se prête également parfaitement à la production de cacao. Non sans nous rappeler quelques souvenirs de notre visite de finca en Colombie, nous assistons cette fois au processus de fabrication du chocolat de A à Z! On commence bien évidemment par la mise en terre de cacaoyers.
On poursuit avec la récolte, la pluie des derniers jours menaçant de gâter rapidement les plantations. Misael se réserve l’exclusivité de la machette, bien trop dangereuse pour nous. Dommage, mais on préfère ça que de devoir tester la fiabilité des plantes médicinales d’Amazonie! ll nous conduit à la localisation de chacun de ses cacaoyers à travers la jungle comme s’il parcourait sa propre maison, incroyable! Puis il coupe les cabosses que l’on repère avant de les ramasser.
J’ai même l’opportunité de tester mon agilité lorsqu’il me fait grimper aux arbres pour attraper les plus hautes.
Cela met bien un certain temps avant que j’attrape le coup de main, mais Misael ne nous juge pas. Bien au contraire, il a plutôt tendance à nous surestimer un peu. On galope derrière lui pour récolter les cabosses à son rythme! Vient ensuite le moment de les ouvrir pour retirer les fèves de cacao encore humides.
On n’oublie pas d’en goûter une ou deux au passage… La texture du litchi, la sucrosité d’une mangue bien mûre et l'acidité d’un fruit de la passion. Un délice! Misael ajoute un gros rocher sur le sac de fèves humides, puis crée ensuite une petite construction végétale pour les protéger de la pluie. Le but: les déshydrater au maximum pour pouvoir les sécher et obtenir la fameuse fève de cacao, ingrédient essentiel à la création du chocolat!
Il faudra ensuite un étalage complet des fèves sur le bitume chaud pour les sécher entièrement. L’étape nécessite 3 à 4 jours de soleil, soleil qui malheureusement ne se montre pas… Heureusement, Efrain a quelques fèves en réserve pour nous faire participer au reste du processus. J’en salive déjà!
Première étape: la torréfaction des fèves à la casserole pour pouvoir les décortiquer plus facilement.
Puis la mouture à l’aide d’un petit moulin afin d’obtenir une poudre de cacao plus ou moins fine.
Finalement, la phase de création du chocolat. Pour cela rien de plus facile: on ajoute de l’eau et du sucre à la poudre de cacao!
On peut aussi ajouter du lait ou d’autres ingrédients (miel, sel…) selon les goûts de chacun. Les possibilités sont en réalité quasi infinies. On n'en oublie pas l’étape dégustation pour autant! Pour nous, ce sera chocolat banane!
Que ce soit pour le cacao ou le yucca, l’ensemble des plantations nécessite un entretien régulier pour minimiser les risques de maladies. Il est donc primordial de nettoyer et protéger l’environnement dans lequel elles prospèrent. Pour le cacao, gare aux mauvaises herbes qu’il faut couper à la machette. Concernant le yucca, le creusage de tranchées est essentiel en saison des pluies pour éviter l’inondation des plants.
Outre ces cultures, la jungle regorge de plantes comestibles sauvages. Au cours de notre séjour, nous tombons fréquemment sur de la cannelle, des feuilles à l’odeur de citron ou encore des fleurs proches de la vanille. Elles sont le plus souvent infusées dans des thés ou agrémentent différents plats (toujours à base de yucca, bien sûr)!
La selva abrite également de nombreux fruits tropicaux: bananes, ananas, citrons verts… Et pour les avoir tester, ils sont incroyablement savoureux!
La communauté étant essentiellement végétarienne, les parties de pêche ou de chasse sont réservées aux cas exceptionnels (fêtes). Mais Misael tient à nous montrer plusieurs techniques de pièges utilisés pour la capture de cochons sauvages.
Par contre, on ne peut pas louper les nombreuses poules se pavanant autour de la maison! Il y a donc une source de protéine à disposition. Les coqs, eux, ne manquent jamais une occasion de se faire entendre (de jour comme de nuit)! Mais comme la maman de Misael dit, "si celui-là continue de faire autant de bruit, c’est dans la soupe qu’il va bientôt finir!”
Pour ce qui est de l’eau, les locaux boivent celle de la rivière, tout simplement. Il se peut qu’ils la fassent bouillir, mais elle est potable en général. Nos estomacs étant un peu plus fragiles, on évite et on se cantonne à l’eau filtrée, vous nous excuserez!
Ressources médicinales
Les différents peuples d’Amazonie ont une approche médicinale bien différente de la nôtre. Ici, pas de médicaments pharmaceutiques, mais des plantes et des arbres aux nombreuses propriétés curatives! Un réservoir inégalable de molécules que l’on ferait bien de protéger… Les médicaments que l’on ingère contiennent d’ailleurs souvent une petite proportion de ces plantes. Imaginez alors la concentration médicinale de celles-ci en pleine jungle! On reste bouche bée lorsqu’Efrain nous montre un arbre à la sève rouge sanguine. Celle-ci peut être utilisée pour les maux d’estomacs mais aussi en tant que baume cicatrisant! On essaye de suite sur une petite coupure et c’est en effet très efficace. On peut le retrouver sur des marchés en ville, mais c’est très cher: 5$ le petit flacon!
Misael nous explique également les bienfaits d’une plante de la famille des urticacées, semblable à une ortie. La communauté l'utilise pour toutes ses vertus: problèmes respiratoires, d’estomac, mais aussi pour empêcher un poison ou une douleur de se proliférer dans d’autres parties du corps. Je teste, et oui, ça pique!
Il faut savoir que plusieurs membres de la famille de Misael sont tombés malades ces derniers mois sans pouvoir clairement diagnostiquer le Covid. Mais aucune personne n’en est morte. Tous se sont guéris grâce à des plantes médicinales de la selva.
Comme de nombreux indigènes, les Kichwas ont aussi recours aux shamans lorsqu’une personne développe une maladie. Ces guérisseurs ont une approche globale de celle-ci: psychique, émotionnelle et spirituelle. En plus de travailler avec l’aspect chimique de la plante, ils se concentrent sur la guérison de blessures anciennes qui peuvent être à l’origine de la maladie, contrairement à notre médecine moderne qui se focalise essentiellement sur la disparition des symptômes.
Artisanat
Bon, on fait tout de suite tomber le mythe: ici, plus personne ne se pare de noix de coco et de feuilles en guise de vêtements, même si on s’imagine forcément que les choses sont différentes dans l’Amazonie profonde. Cela n’empêche pas Misael de nous montrer comment ceux-ci étaient fabriqués. Facile et rapide (mais pas très pratique)! Au programme: jupes, couronnes et lunettes! Un peu folklo, mais c’était rigolo!
Plus tard, Efrain nous indique la fibre très résistante actuellement utilisée dans la création de bijoux et de vêtements.
Avec Rami (le frère de Misael), on a d’ailleurs l’occasion de créer de petits bracelets à partir de cette fibre tressée et de semences rouges et noires de la forêt.
Pour ce qui est des produits cosmétiques, c’est pareil, tout se trouve dans la jungle! Si Misael nous explique qu’ils ne font plus leurs savon et dentifrice eux-mêmes (trop de travail par rapport à ce qui se trouve en ville), les petites expéditions vers la rivière pour des masques d’argile naturel sont fréquentes. Une séance SPA s’improvise donc facilement!
Habitations & énergies autonomes
La construction des maisons se fait entièrement avec les ressources de la jungle: bois, feuilles, lianes, cordes à base de fibres…
Nous n’avons pas la chance d’y assister, leur maison étant déjà construite (merci!), mais certains travaux nécessitent d’être reconduits régulièrement. C’est ainsi que nous nous retrouvons pelles en main à recréer des escaliers détériorés par la pluie et le temps.
Pour ce qui est de l’énergie, il fut un temps où le feu était la seule source de lumière et de chaleur, mais Misael et sa famille ont désormais l'électricité, un confort et un gain de temps difficile à refuser. Nous apprenons également que d’autres volontaires ayant séjourné en Afrique leur ont enseigné une méthode de construction à l’aide de boue et de paille. Ah, le partage du savoir! Vivement le jour où les personnes chercheront à s’enrichir les unes des autres plutôt qu’à imposer leurs idées!
Protection environnementale
La forêt amazonienne étant menacée par les activités humaines (minières, agricoles, feux, infrastructures énergétiques et de transport) qui dégradent les écosystèmes de la région, il est devenu essentiel pour ses peuples de sauvegarder leur environnement. Le tourisme responsable apparaît alors comme une solution pour contrer la destruction de l’Amazonie. Misael et sa famille ont ainsi créé une petite agence proposant tours et immersions afin de faire découvrir leur mode de vie et d’y sensibiliser les gens. Grâce à l’aide de volontaires comme nous, la communauté prend soin des sentiers touristiques pour en faire une zone protégée et empêcher l’exploitation dangereuse de la forêt. Certaines activités comme ces traversées en bouées sont développées afin d’allier plaisir et respect de la nature.
A méditer...
Notre expérience en Amazonie restera gravée à vie dans nos mémoires. Que ce soit les personnes qui nous ont partagé leur savoir, la beauté somptueuse des paysages ou les ressources inimaginables de cette forêt tropicale, tout nous a réellement marqué. On n’ose même pas imaginer ce qu’on aurait loupé si nous nous étions seulement arrêtées à son environnement hostile!
Tous les écologistes sont sidérés devant ce qui se passe en Amazonie, et lorsqu'on prend conscience des enjeux actuels, on se demande vraiment comment il est possible de ne pas réagir. Regardez cette photo et osez dire que vous n’êtes pas triste de voir que cela sera sûrement amené à disparaître un jour… Nous, on l’est!
Il est pourtant tellement difficile de résister au confort que le progrès apporte mais qui engendre tant de destruction. Comme a dit Yann Arthus Bertrand dans son film Legacy, “ce n’est pas la Terre que nous devons faire mourir, c’est notre vision du progrès”.
Dans un monde et une culture où régissent productivité et rendement, il faut maintenant parler de “décroissance”: décarboner nos vies par tous les moyens, éviter les énergies fossiles, diminuer de 5% notre consommation par an… Pourquoi ne serait-ce pas ça la vision du progrès? Pourquoi, naturellement et culturellement, nous mettons tout de suite en lien le progrès avec l’argent, le profit et le rendement? C’est seulement en prenant conscience de tout cela que nous pourrons rétablir l’équilibre climatique qui nous concerne TOUS. Le Covid a fait un tel buzz dans notre monde, mais les scientifiques assurent que ce sera une pandémie tous les 10 ans si on ne change pas notre mode de vie… Il s’agit là d’un symptôme et non de la source de la problématique actuelle. Et comme d’habitude, les gouvernements privilégient de traiter les symptômes plutôt que de s’attaquer au cœur du problème!
Comme à chaque fois lors de nos séjours au sein de communautés, nous sommes frappées par l’esprit de cohésion et de solidarité qui y réside. Cette notion qui devient de plus en plus étrangère à notre monde “civilisé” toujours plus individualiste, est pourtant la clé de beaucoup de choses. Ce sont l’implication et l’inclusion de chaque humain qui permettraient de renverser la tendance et de sauver notre existence. Nous sommes bien plus tous ensemble: dans la force du groupe et dans le partage du savoir et des connaissances.
Nous aimerions finir sur une réflexion qui s’est imposée à nous lors de l’écriture de cet article. Que ce soit en Afrique lors de notre immersion dans une tribu Maasaï, au cours de notre expérience en Amazonie, ou tout simplement de par les retours d’autres peuples autochtones, on observe bien souvent le même discours: les gouvernements n’acceptent pas le désengagement économique de ces personnes vis à vis du pays dans lequel elles habitent. La grille de lecture des politiques (dans laquelle rendement et productivité priment) est contraire au mode de vie des indigènes qui sont souvent exclus de la société. Mais ces modes de vie n'existaient-ils pas bien avant la mise en place de systèmes politiques? N’ont-ils donc pas leur mot à dire sur leur idée du progrès? Ne devraient-ils pas avoir leur chance et ne feraient-ils pas mieux dans la gestion des ressources de la planète face à la crise environnementale que nous traversons? Au final, on en revient toujours à la même question: pourquoi un mode de vie et une idéologie sont-ils jugés supérieurs à d’autres?