Colombie
(22/04 - 21/05)
12ème destination de notre tour du monde et pas des moindres: la Colombie. Très souvent redoutée des étrangers en raison de son tumultueux passé, c’est pourtant le pays coup de cœur de nombreux voyageurs. C’est bien simple, il fait l'unanimité chez tous ceux dont nous croisons la route. Il nous tardait donc de redorer l’image ternie de la Colombie en découvrant sa population réputée chaleureuse et son incroyable biodiversité. De ses cités coloniales préservées à ses sommets enneigés, en passant par ses parcs naturels et sa côte caribéenne, nous vous livrons ici le récit détaillé de notre mois au royaume du café.
Sommaire
Villa de Leyva (22/04 - 25/04)
Et on commence fort! Après avoir présenté une dizaine de papiers et formulaires (dont un billet annulable pour Panama City afin de prouver qu’on ne compte pas s’installer en Colombie) à la compagnie aérienne et au personnel d’immigration mexicain et colombien, nous atteignons enfin Bogotá. Sans carte SIM locale, nous peinons à trouver notre uber qui, une fois nos sacs rangés dans le coffre, se verrouille automatiquement avec les clés à l’intérieur. Après plusieurs tentatives, nous parvenons heureusement à débloquer la voiture. Direction le centre-ville et notre Airbnb. Comme nous le pressentions, la famille chez qui nous logeons nous confirme la mise en quarantaine de la capitale à partir de... ce soir, et ce pour quatre jours. Génial! Et qui dit quarantaine dit interdiction stricte de sortir et de quitter la ville, sauf cas de force majeure. Bref, on est coincées ici, et c’est devant une assiette de pâtes nature ramenées du Mexique que nous tentons de nous réconforter.
Au réveil, je retrouve une Anouck surmotivée décidée à se rendre à la gare de bus pour voir ce qu’il en est. Je n’y crois pas une seconde, alors imaginez ma surprise lorsqu’elle me demande de faire mon sac en revenant. “Je me suis arrangée, c’est bon!”. Et en effet, en expliquant notre situation aux autorités, ces derniers nous laissent passer et nous indiquent même le guichet recherché. 4 heures de trajet plus tard, et nous voilà comme prévu à Villa de Leyva.
Fondée en 1572, cette petite bourgade classée Monument National n’a rien perdu de son charme d’antan et s’attache à préserver son architecture coloniale. Avec ses ruelles pavées, ses murs blanchis à la chaux, ses portes massives en bois et ses élégants balcons fleuris, on a carrément l’impression d’être au ski! Une véritable atmosphère de village de montagne règne ici.
Symbole de la ville, l’immense Plaza Mayor de 14000m² est entourée d’édifices historiques d’une blancheur éclatante, dont la splendide église Notre-Dame du Rosario. Il s’agit de la plus grande place du pays et l’une des plus grandes de toute l’Amérique Latine!
On ne déroge pas à notre dose quotidienne de vitamine D grâce au marché hebdomadaire. Mais surtout, on découvre les fabuleux almuerzos colombiens: un menu du jour comprenant salade, soupe, plat principal, boisson et dessert pour… 3€! Verdict? “J’aime déjà ce pays” dixit Anouck.
Région de Santander (25/04 - 29/04)
Nous poursuivons notre route vers Guadalupe, petit village isolé dont la place centrale parée de gigantesques palmiers et d’une impressionnante église au dôme bordeau nous séduit illico.
Mais si la ville commence à intéresser le tourisme depuis plusieurs années, c’est surtout pour sa proximité avec un certain site naturel. Pour y accéder, une petite heure de randonnée à travers des prairies verdoyantes est nécessaire, ce qui au final n’est pas pour nous déplaire!
Puis nous arrivons enfin à Las Gachas, une rivière alimentant plusieurs trous d’eau plus ou moins grands et profonds (jusqu’à cinq mètres). Au cas où vous vous demanderiez le pourquoi des chaussettes, sachez qu’elles nous ont été fortement conseillées par les locaux, la pierre étant très glissante. Nous observons avec attention ces formations taillées directement et naturellement par l’eau dans une roche aux couleurs ocres et brunes avant de choisir un jacuzzi pour nous y relaxer. Enfin c’est ce qu’on croyait! Au lieu des sources d’eau chaude que nous nous étions imaginées, nous constatons une eau TRÈS fraîche et quelque peu habitée. Bref, pas de bain bouillonnant en perspective, mais plutôt une trempette rapide!
Peu importe, nous ne regrettons en aucun cas notre petite expédition. Rarement mentionnés dans les guides touristiques (en tout cas pas le nôtre), Las Gachas et Guadalupe méritent pourtant le détour et un court séjour. Ravies de les avoir ajoutés à notre itinéraire, nous nous dirigeons désormais vers l’incontournable Barichara. Incontournable, car ce village s’est imposé comme le plus joli de Colombie parmi plus de 1100 municipalités! Bogotanais s’y pressent le week-end afin d’y admirer son patrimoine architectural et de profiter de la quiétude qui s’en dégage. Créée il y a plus de 300 ans, la cité (l’une des mieux conservées de la région) est comme figée dans le temps: maisons immaculées aux toits orangés, portes colorées, ruelles pavées, le tout sur fond de paysages vallonnés.
L’animation s’articule principalement autour de la place centrale et son imposante cathédrale tout en pierre. Celle-ci est d’ailleurs emblématique de la ville et a inspiré le surnom des habitants, “Patiamarillos” (“pieds jaunes”), en écho à la couleur ocre de la terre qui colore tout jusqu’aux chaussures des locaux.
Construit à flanc de montagne, Barichara et ses nombreuses rues escarpées nous font sérieusement chauffer les mollets. Heureusement, nous sommes récompensées à chacun de leurs sommets par une vue plongeante sur le centre et la vallée environnante. Pour nos premiers pas en Colombie, nous sommes vraiment à mille lieues de l’image dangereuse attachée au pays!
Le lendemain, nous nous levons tôt afin d’entreprendre la randonnée du Camino Real, un ancien chemin pavé reliant Barichara au village de Guane et qui constituait à l’époque précolombienne un axe principal de circulation. Mais face à un mur de nuages, nous n’avons d’autre choix que d’y renoncer. Loin de capituler, nous réitérons l’expérience dans l’après-midi. Le ciel désormais dégagé nous permet alors d’entamer une agréable promenade de 9 kilomètres ponctuée de beaux panoramas.
Au bout du Camino, nous découvrons l’antique village de Guane bâti sur la même architecture que Barichara.
Comme tous les voyageurs effectuant cette balade, nous prévoyons de faire le chemin inverse en bus. Inutile de se presser, les liaisons sont régulières et nous donnent le temps de savourer une glace artisanale sereinement. Quand vient l’heure de se renseigner, nous apprenons pourtant que la ligne est suspendue “juste” aujourd’hui à cause de manifestations. Ben voyons. On tente le tuk-tuk, qui se fait un malin plaisir de doubler le tarif. Impossible de négocier, nous simulons de nous en aller... rira bien qui rira le dernier! Mais RIEN. NADA. Personne ne nous court après! Après concertation (et 2 fiertés mal placées), il ne nous reste plus qu’une solution: rentrer à pied! Évidemment, ce sens-là est bien moins aisé puisque quasi qu’en montée, mais après un peu plus d’1h30 d’efforts, nous retrouvons enfin notre hébergement. Bilan de la journée: plus de 18 kilomètres de randonnée et des jambes CAS-SEES. Pour ne rien arranger, une pluie diluvienne s’abat sur Barichara, nous empêchant de fermer l'œil de la nuit et de récupérer. C’est donc exténuées que nous nous levons à 6h45 du matin pour nous rendre à la ville voisine de San Gil. Au programme? Une belle activité de parapente… annulée en raison des intempéries! On dirait que la malchance nous poursuit. Anouck tente bien de conjurer le mauvais sort par une matinée détente au spa, mais lorsque nous nous rendons à la gare pour notre bus de nuit et qu’il arrive avec plus d’1h30 de retard, on comprend bien que l’on est pas au bout de nos surprises. Bingo, un groupe d’une douzaine de touristes SANS masque (obligatoire) montent à bord du car et commencent à faire le cirque. A cela s’ajoute un passager apparemment sourd adepte de jeux vidéo. Puis un chauffeur fan de techno. Et pour finir la traditionnelle clim nous obligeant à cumuler quatre couches de vêtements. Ah, et le tout non-stop 13 HEURES durant!
Minca (30/04 - 02/05)
Inutile de préciser qu’à notre descente du bus à Santa Marta, c’est un regard noir et plus que désapprobateur que nous lançons à tous les passagers perturbateurs. Après près de 48h sans sommeil, nous enchaînons naturellement avec 30 minutes de taxi pour Minca, puis 10 minutes de moto jusqu’à notre hôtel où notre chambre n’est… pas prête! Nous patientons 2h de plus dans l’auberge d’en face avant d’enfin pouvoir nous doucher (à l’eau glacée) et nous allonger. La propreté irréprochable de la chambre et le balcon donnant sur la végétation nous feraient presque oublier ce détestable trajet...
Mais les péripéties continuent de se succéder, puisque l’on nous informe par hasard à 17h30 du très prochain confinement de Minca (dans trente minutes), et l’interdiction de facto de sortir de notre chambre. Si nous étions conscientes de cette mesure dans les grandes villes, nous ne nous doutions pas qu’elle était également appliquée dans certains villages. Ni une ni deux, nous annulons la seconde nuit de notre hôtel et réservons un autre hébergement plus en hauteur et très prisé des voyageurs. Et pour cause, l'éco-lodge Mundo Nuevo, uniquement accessible en moto, est situé en pleine jungle et jouit ainsi d’une situation idéale pour décompresser en toute tranquillité.
La vue sur la Sierra Nevada de Santa Marta est absolument saisissante et nous permet de distinguer des huttes autochtones en contrebas. Ces dernières font partie du projet Awindua dont le but est de fournir un logement aux indigènes offrant leur savoir-faire ancestral et leurs méthodes de bio-construction à Mundo Nuevo.
L’établissement, qui souhaite devenir auto-suffisant en cultivant ses propres fruits, légumes, café et miel, travaille également avec de nombreux producteurs locaux, à l’image de la Candelaria, une plantation de café et cacao. Notre visite nous donne l’occasion d’en apprendre davantage sur les différentes phases du processus de fabrication du chocolat: récolte et fermentation des fruits de cacaoyer, récupération et torréfaction des fèves de cacao, mouture, et enfin transformation en pâte de chocolat grâce à l’ajout d’ingrédients divers (sucre, lait, miel, sel, fruits secs, caramel, etc.).
C’est cette étape qui permet aux pays consommateurs de chocolat (Suisse, Allemagne, France, Belgique...) d’élaborer leur propre recette puis de la labelliser comme ils le souhaitent (“Chocolat de Belgique”, etc.). Le cacao est en réalité TOUJOURS importé (70% d’Afrique de l’Ouest grâce à la Côte d’Ivoire et au Ghana, les 30% restant étant répartis entre l’Indonésie et l’Amérique du Sud). Évidemment, les dérives sont nombreuses: les grandes marques telles que Nestlé, Ferrero, Mars, Hershey n’hésitent pas à avoir recours à des pratiques peu éthiques (travail forcé, emploi d’enfants, trafic humain, déforestation) pour produire plus à moindre coût, et pour qu’au final on ne retrouve qu’un pourcentage ridicule de cacao dans leurs articles. Au-delà de condamner ces agissements immoraux, si nous souhaitons bénéficier des multiples bienfaits du cacao (apports nutritifs, propriétés antioxydantes, vertus cosmétiques), mieux vaut privilégier un chocolat à forte teneur en cacao et donc issu de productions éthiques et biologiques.
De retour à notre petit havre de paix, nous contemplons pour notre ultime soirée un magnifique coucher de soleil, parfait pour clôturer cette parenthèse éphémère.
Carthagène des Indes & Environs (02/05 - 05/05)
Puis cap sur la côte Caraïbe et Cartagena de Indias, le joyau de la Colombie. Sur la route, nous sommes cependant ralenties par une manifestation. Depuis fin avril, le pays est en effet secoué par un mouvement de protestation contre le gouvernement et son nouveau projet de réforme fiscale. Ce dernier prévoit entre autres des coupes dans les programmes sociaux, le gel des salaires dans le secteur public jusqu'en 2026, l’installation de nouveaux péages, l’augmentation des prix de l’essence et la hausse de la TVA sur de nombreux produits de première nécessité (oeufs, lait...) et des services de base comme l’électricité et le gaz. Écoeurés, des milliers de Colombiens ont ainsi décidé de descendre dans les rues pour exprimer leur indignation et un ras-le-bol général envers les politiques, la pauvreté et les inégalités. Bien que la majorité des rassemblements aient été pacifiques, d’autres ont dégénéré en affrontements violents entre manifestants et policiers, causant la mort de dizaines de personnes. Si le président a initié un dialogue social pour tenter de calmer le mouvement, les Colombiens, trop déçus par leur gouvernement, réclament désormais sa démission.
C’est donc un peu plus tard que prévu que nous débarquons dans la ville la plus visitée de Colombie. Fondée en 1533 par les colons espagnols, Carthagène des Indes a fortement été influencée par l’Afrique occidentale, sa localisation en faisant un carrefour commercial important et une plateforme essentielle de la traite négrière à l’époque de l’esclavage. Les Afro-Colombiens représentent ainsi aujourd’hui plus de 30% de la population de la ville.
Un peu à l’écart du centre, Getsemani était d’ailleurs le quartier où de nombreux esclaves d’Afrique de l’Ouest se retrouvaient, ce qui leur permit de recréer leur identité. Profitant du besoin de main d'œuvre pour se rendre indispensables, ils parvinrent à s’émanciper et se firent peu à peu une place dans la société esclavagiste, jusqu’à se rebeller et occuper un rôle majeur dans le mouvement révolutionnaire du “Grito de la Independencia” en 1811. Celui-là même qui libéra Carthagène des Espagnols puis embrasa le pays tout entier pour la guerre d’indépendance qui mit enfin fin à la colonisation. Aujourd’hui, le quartier est considéré comme le véritable épicentre culturel de la ville grâce à l’art mural et aux nombreuses fresques retraçant l’histoire de Getsemani.
On y retrouve une ambiance populaire et paraît-il un héritage contestataire avec des habitants luttant pour garder leurs logements et ne pas céder aux promoteurs immobiliers qui préfèreraient y installer hôtels et commerces comme dans la vieille ville fortifiée. Mais comme cette dernière est inscrite au patrimoine mondial de l’humanité, l’architecture extérieure des bâtiments ne peut plus être modifiée afin de protéger leur authenticité. Le centre historique et ses 13 kilomètres de fortifications est ainsi parfaitement préservé et recèle de bâtiments coloniaux absolument bien conservés.
A l’image de toutes les villes d’Amérique Latine, nous ne manquons pas la place Bolivar et sa statue du libérateur. Anciennement Place de l’Inquisition, c’est ici que l’Eglise catholique pratiquait les exécutions. On peut également y apercevoir la somptueuse cathédrale Santa Catalina et son dôme reconnaissable d’entre tous.
Sur la place San Pedro Claver, l’église éponyme constitue une belle toile de fond devant les sculptures contemporaines de l’artiste Edgardo Carmona, qui a voulu reproduire plusieurs scènes de vie quotidienne et métiers traditionnels (couture, dentiste, cireur de chaussure…).
Non loin, les Plaza de la Aduana et de Los Coches concentraient à l’époque coloniale l’ensemble des activités relatives au commerce d’esclaves. Toutes deux donnent sur la Torre del Reloj, monument emblématique de la ville et qui historiquement représentait la seule entrée possible à l’intérieur des murailles.
Sur le chemin du retour, nous remarquons sur certaines portes d’entrée d’élégants heurtoirs pour le moins intrigants. Ces derniers permettaient en fait de connaître la profession des occupants (lion pour un militaire, élément marin pour un marchand, etc.).
Après cette journée riche en couleurs (et en chaleur), on se dit qu’une escapade à la mer ne nous ferait pas de mal. Pour une fois, on décide de réserver une excursion organisée. Gain de temps et d’énergie pour environ le même prix qu’en autonomie. On opte ainsi pour une demi-journée semi-privée sur une île des Caraïbes. Réveil à 6h45 le lendemain pour une matinée que nous espérons très ensoleillée… Mais évidemment, il fallait qu’il pleuve aujourd’hui. On attend la navette et ses 30 minutes de retard… toujours sous la pluie. Le bus arrive, et nous prenons place au milieu d’une quarantaine d’autres touristes! Bon… il va rapidement falloir revoir nos attentes et oublier l’exclusivité. Surtout qu’après plus d’une heure de route, c’est à côté d’une dizaine de bus que nous sommes déversées. Elle est belle notre “Playa Tranquila”!
Par chance, une personne nous prend en charge et nous désigne la lancha sur laquelle nous allons quitter la plage publique bondée pour une autre moins fréquentée. Et c’est le moins que l’on puisse dire puisqu’à notre arrivée, nous sommes SEULES. Pas si mal que ça au final! La pluie a cessé, et le soleil pointe même le bout de son nez! Les eaux cristallines se révèlent enfin: c’est l’heure de prendre le bain!
Le plein de vitamines effectué, il nous faut poursuivre notre route, mais les 14 heures de bus de nuit qui nous attendent ne nous enchantent guère étant donné notre précédente expérience! Etonnamment, le trajet est des plus agréables: frais mais pas glacial, et surtout silencieux, de quoi se reposer un peu!
Medellín & Environs (06/05 - 12/05)
A peine débarquées au terminal de Medellín, nous préférons réserver cette étape incontournable pour plus tard et enchaîner avec un autre véhicule pour le petit village de Guatapé à 2h de là. Nous profitons du beau temps pour nous rendre directement à la Piedra del Peñol, un énorme monolithe de granit arrondi planté au beau milieu d’un paysage surréaliste. Nous partons (bien trop vite) à l’assaut des 740 marches aménagées menant au sommet afin d’accéder au point de vue à 360°. Le panorama est à couper le souffle, comme les escaliers. De là-haut, on peut admirer le spectacle grandiose offert par le lac artificiel et ses îlots formés suite à la construction d’un barrage il y a une quarantaine d’années.
Après les hauts reliefs, place aux bas reliefs colorés de Guatapé. Chaque maison est en effet ornée de zocalos, de vives décorations représentant des formes simples mais également les métiers ou passions des habitants (animaux, sport, etc.).
Le village représente à lui tout seul une explosion de couleurs: des portes aux balcons, des édifices aux habitations, des boutiques aux restaurants, tout est peint avec attention. On aurait presque l’impression de traverser un livre de coloriage pour enfants. On ne peut que sourire devant tant d’animation.
De retour à Medellín, nous respectons le confinement du week-end en louant un airbnb au centre-ville. Les courses effectuées, nous sommes prêtes à hiberner. Deux jours sans vadrouiller, mais non sans avancer! Nous prévoyons ainsi notre visite de la ville et de notre prochain pays.
Désormais à jour, nous sommes dans les starting-blocks pour découvrir la captivante Medellín. Autrefois réputée comme l’une des métropoles les plus dangereuses au monde, c’est aujourd’hui l’une des plus accueillantes. La capitale d’Antioquia doit cette incroyable métamorphose à un plan urbain développé dans les années 2000 par le gouvernement colombien. De nombreuses infrastructures innovantes ont alors été inaugurées, dont le Métrocable (téléphérique) et l’unique métro de Colombie. 20 ans plus tard, ces derniers sont toujours aussi propres et bon marché, et ont permis de désenclaver les quartiers défavorisés tout en faisant baisser la criminalité. Dans les années 1980 et 1990, des pans entiers de Medellín étaient en effet sous l’emprise des cartels de drogue (cf. Pablo Escobar), qui voyaient dans les “barrios” les plus pauvres un vivier pour rallier les jeunes à leur trafic et les recruter. La modernisation des transports publics a ouvert de nouveaux horizons et a facilité l'inclusion de ces populations dans la société.
Véritable modèle de transformation réussie, la Comuna 13 est l’un des quartiers les plus sécurisés, alors qu’avant personne n’osait s’y aventurer. Nous lui consacrons ainsi une matinée et faisons appel à un guide local pour mieux comprendre les problématiques du passé et sa réalité. Accompagnées d’un autre couple de voyageurs français, nous apprenons que dans les années 70 et dans l’idée de fuir les conflits violents du pays, nombre de paysans ont commencé à se réfugier sur les hauteurs de Medellín, créant malgré eux d'énormes bidonvilles.
La Comuna 13 (C13) ou la Trece, qui regroupe 23 de ces quartiers, voit le jour. Délaissée par les municipalités qui n’ont pas les ressources pour s’en occuper, la C13 grandit dans l’anarchie totale, jusqu’à devenir une zone de non-droit dirigée par les cartels de drogue. Sa situation géographique dans l’axe stratégique du trafic de cocaïne n’aide pas. La violence se développe inévitablement et les homicides (jusqu’à 7000/an) et enlèvements deviennent le quotidien des habitants. La Trece est alors le barrio le plus meurtrier de Colombie. Des années 90 à 2000, la Comuna 13 tombe sous la coupe des guérilleros tels que l’ELN et les FARCS qui souhaitent bénéficier de la topographie avantageuse de ces quartiers (labyrinthe en pente très difficile d’accès pour les autorités). Si les locaux voient d’abord d’un bon œil ces nouveaux groupes anti-drogue qui organisent régulièrement des distributions alimentaires, la paix ne dure pas et laisse place aux extorsions de fonds et à nouveau à la violence. C’est seulement en 2002 que l’armée, avec le soutien de milices paramilitaires, parvient enfin à déloger les guérilleros et à reprendre le contrôle de la C13. L’opération Orión impliquant 1500 soldats, 20 tanks et 2 hélicoptères de combat, transforme le quartier en vrai champ de bataille et fait des dizaines de victimes, pour la plupart collatérales.
L’opération terminée et la guérilla écartée, ce sont ensuite les paramilitaires qui occupent les lieux pendant deux ans afin de procéder au “limpieza social” (nettoyage social). Toutes les personnes soupçonnées d’avoir aidé les guérilleros sont éliminées, avec l’accord officieux de l’Etat. Les familles réclament encore aujourd’hui les corps de leurs proches disparus (plus de 130 entre 2003 et 2004) enterrés dans une fosse commune clandestine dont seules les autorités connaissent l’emplacement. Il va falloir attendre la fin des années 2000 pour voir la Trece s’apaiser. Pour la première fois, la mairie décide d’investir et y fait construire en 2012 des escalators dans le même objectif du téléphérique. Des projets culturels (écoles, salles de sport, théâtres de rue, toboggans, etc.) naissent également à chaque palier d’escalier.
Parallèlement, les habitants davantage connectés développent leur propre identité à travers le mouvement hip-hop. Art mural, graffitis, break dance et musique sont utilisés comme moyens d’expression pour retracer l’histoire du quartier. Pour ne pas oublier. Comme dans un livre ouvert, nous plongeons dans la mémoire de la Comuna 13, de ses drames et ses combats à sa renaissance et sa liberté.
Ravies de cette expérience immersive, nous poursuivons avec le centre-ville qui n’a en comparaison pas grand chose à offrir, si ce n’est le Palais de la Culture et les statues atypiques de Fernando Botero, ou encore le monument a la Raza en hommage aux peuples conquis.
Notre épisode medellinense s’achève ici, et on ne peut que recommander “la ville du printemps éternel” dont le passé nous a complètement sidérées. Il est temps de quitter notre nouveau chez-nous citadin pour nous diriger vers les contrées verdoyantes de Jardín.
Jardín & Salento (12/05 - 16/05)
Situé au cœur d’une vallée luxuriante, Jardín est l’un de ces jolis pueblos ruraux dont la Colombie a le secret. Plus qu’une ode à la couleur (comme quasi tous les villages du pays), c’est surtout son environnement paisible et relaxant qui attire les paisas (habitants d'Antioquia) dès que l’occasion s’en présente. Il n’y a qu’à voir notre hébergement et son cadre des plus ressourçants. Certes, la structure en bois de l’établissement fait que les nuits sont courtes et que le moindre geste nous réveille, mais la vue est assurément dépaysante!
Pour explorer les environs, nous nous lançons dans une boucle d’une dizaine de kilomètres à travers cascades, forêts, plantations de café, collines et champs de bananiers. Au passage, nous faisons de belles rencontres qui sont loin de laisser Anouck indifférente…
Le Café Jardín qui surplombe la ville s’impose naturellement comme l’endroit idéal pour quelques rafraîchissements.
On en profite pour discuter de la suite de notre itinéraire qui s’avère de plus en plus compromis. Avec les récentes protestations, de nombreux barrages ont été mis en place par les manifestants sur les principaux axes de circulation. Les compagnies de bus préfèrent alors suspendre leurs services, nous obligeant à revoir notre feuille de route et à l’adapter au jour le jour. Heureusement, d’autres voyageurs nous précèdent et nous tiennent au courant de ce qui est possible ou non. C’est ainsi que nous sommes averties que notre prochaine destination est toujours atteignable, mais qu’il faut compter plus de deux jours de trajet et six transports différents (ou l’avion) pour y accéder! Le calcul est vite fait, nous préférons renoncer à Salento et revenir gentiment vers la capitale où nous trouverons forcément de quoi nous occuper. Nous reprenons donc le chemin de Medellín où nous prévoyons de prendre un bus de nuit pour Bogota. Mais évidemment, rien ne se passe comme prévu, puisqu’à la gare routière, nous trouvons on ne sait comment un véhicule... pour la ville voisine de Salento! Surexcitées de pouvoir finalement continuer, rien ne parvient à entacher notre engouement: ni les cinq heures d’attente au terminal, ni les deux barrages routiers rallongeant de quatre heures le trajet, ni même l’annulation totale des transports pour Bogota à notre arrivée.
Déni complet ou enthousiasme démesuré, on se focalise sur le présent et on se dit qu’on trouvera bien une solution. Sur la place centrale de Salento, on repère donc rapidement une jeep bariolée à l’image du village, seul moyen de locomotion pour l’attraction principale de la région. Mais sur le chemin, un déluge s’abat sur nous et nous fait temporairement douter de notre décision.
Vingt minutes plus tard, la pluie s’est calmée et nous sommes prêtes à attaquer le vif du sujet: la Vallée de Cocora et ses fameux palmiers. Espèce endémique de Colombie, les palmiers de cire du Quindio (Ceroxylon quindiuense) constituent en effet une véritable curiosité. Leurs particularités? La première est qu’ils s'épanouissent dans un climat montagneux et supportent aisément le froid et la pluie qui les envahissent quasi quotidiennement. La seconde et sans doute la plus impressionnante est qu’ils peuvent mesurer jusqu’à 60 mètres, ce qui en fait les plus hauts palmiers du monde.
Si le début de la promenade s’effectue sous une météo capricieuse, la vallée embrumée se dévoile peu à peu, balayée par les nuages. Dans une atmosphère mystérieuse, les palmiers surgissent de nulle part et semblent interminables.
Symboles officiels du pays, les palmas de cera ont longtemps été utilisés pour extraire la cire de leur écorce à des fins commerciales. Mais après avoir été menacés d’extinction, ils sont désormais protégés par le gouvernement. Et dire que nous avons failli passer à côté de ce trésor naturel!
Et comme nous ne faisons jamais les choses comme tout le monde, nous empruntons le chemin boueux des chevaux au lieu du sentier pédestre. A voir Anouck et son sourire béat devant ses amis à quatre pattes, j’ai comme une petite idée de qui se cache derrière cette erreur de parcours. Mais tant mieux, car cela nous permet de bénéficier seules d’un panorama privilégié sur la vallée.
De retour à notre auberge, on essaie tant bien que mal d’élaborer un plan d’action pour rejoindre la capitale. Et comme la nuit porte conseil, on se laisse rapidement tomber dans les bras de Morphée. 10 heures de sommeil récupérées, et c’est reparti pour une journée de transports mouvementée. Un premier bus d’une heure, suivi d’un minibus de quatre heures, puis huit heures dans un car nocturne, et nous voilà sans encombre à Bogota. Sauf que: il est 4h du matin, il fait froid, notre carte SIM est bloquée et on doit donc errer dans le terminal à la recherche de wifi gratuit dans l’espoir de trouver un hébergement pour les prochaines nuits.
Bogota (17/05 - 21/05)
Nous attendons l’aube pour rejoindre en taxi notre nouveau logement, pour nous voir annoncer que notre chambre ne sera disponible qu’à 15 heures. Bon, il est 7h, on s’y attendait un peu, mais on espérait beaucoup... Deux heures plus tard à comater sur le canapé de la réception, et on se motive pour sortir et découvrir un peu la ville. Jour férié oblige, tous les musées sont fermés. On se rabat donc sur le quartier historique et colonial de la Candelaria.
Mais gare à vous en vous déplaçant, on pourrait facilement se faire renverser! Comme tous les dimanches, les grandes avenues se transforment en pistes cyclables géantes où des centaines de Bogotanais se pressent pour s’exercer. Vélo, roller, jogging, marche sportive, les rues sont très animées, sans compter les nombreux vendeurs de rue et les adeptes d’échecs.
C’est les bras chargés de provisions que nous découvrons enfin notre appartement. Pour 16€/nuit, ça valait clairement le coup de vivre toutes ces péripéties!
Le lendemain, nous profitons du ciel bleu pour nous rendre au Monserrate. Lieu de pèlerinage et symbole de Bogota, cette colline culminant à 3152m offre une vue imprenable sur la capitale. Nous y accédons en téléphérique, et réalisons à mesure que nous nous élevons l’ampleur de la ville tentaculaire qui s’étend indéfiniment.
Pour notre ultime journée en Colombie, nous décidons de faire un saut au Musée National. Nous y passons finalement deux heures tellement le bâtiment est grand et regorge de richesses relatant l’histoire du pays. De la période préhispanique à aujourd’hui, en passant par la colonisation et la constitution d’une République, cet ancien pénitencier reconverti en musée nous occupe toute la matinée.
Nous enchaînons avec le mercado et une dégustation de l’Ajiaco, soupe traditionnelle de Colombie et qui vient clôturer à merveille notre séjour ici.
Ressentis
NOS COUPS DE CŒUR
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La transformation récente et positive de la Colombie, d'un pays dangereux à sécurisé, et la possibilité de nous immerger dans son histoire
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La diversité des gens et des cultures (Afro-Caribéens, tribus Amérindiennes, mestizo, mulato, zambo...)
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Très bon rapport qualité-prix
NOS DÉCEPTIONS
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L'incapacité d'explorer certaines régions à cause des manifestations
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Des restrictions sanitaires plus strictes
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Nous avons trouvé les Colombiens un peu plus "froids" en comparaison à d'autres pays d'Amérique Latine (Mexico, Guatemala), mais seulement dans les zones rurales
Budget