Pas trop dur le retour? Vous avez fait comment? Vous n’êtes pas trop déçues? Pourquoi vous avez préféré rentrer? Les gens étaient aussi stressés ? Vous comptez repartir?
Autant de questions auxquelles il est désormais temps de répondre par écrit.
De nos derniers jours au Laos à notre réadaptation en France en plein confinement, nous vous livrons ici le récit détaillé de notre retour anticipé et quelque peu mouvementé.
OPTIONS & DÉCISION
9 mars 2020. Notre arrivée au Laos se fait sans encombre, et malgré l’attention grandissante portée au Coronavirus en Europe, le sujet est ici totalement passé sous silence. Aucune inquiétude ne se fait ressentir auprès de la population, et la vie semble se dérouler normalement. De notre côté, nous restons vigilantes et privilégions le port du masque dans les transports depuis quelques temps.
Rien ne semble donc indiquer un quelconque retour au pays. Et pourtant…
14 mars 2020. En moins d’une semaine, la situation en France se dégrade de manière significative, entraînant la fermeture de quasi tous les lieux publics. On a du mal à y croire, tant ce que nous sommes en train de vivre est aux antipodes de telles mesures restrictives. Location de scooter, roadtrip en campagne, treks dans les montagnes, marchés, restaurants… bref, la routine, bien loin des circonstances irréalistes décrites par nos familles.
15 mars 2020. Après plusieurs heures de réflexion, nous décidons de poursuivre notre voyage au Laos. Nous longerons la frontière avec la Thaïlande vers le sud du pays où une communauté villageoise nous accueillera pour notre mission de volontariat. En cas de fermeture précipitée du pays, nous rejoindrons alors facilement la Thaïlande aux infrastructures médicales développées.
16 mars 2020. En accord avec notre choix, nous nous apprêtons à rejoindre la capitale pour notre prochaine étape lorsque nous croisons un groupe de globe-trotteurs français. Curieuses de leurs expériences, nous nous joignons à eux sans nous douter que cette discussion va tout remettre en question.
En effet, nous apprenons que le Cambodge et le Vietnam, nos deux prochaines (et dernières) destinations en Asie prévues après le Laos, viennent de fermer l’ensemble de leurs frontières. Mais ce n’est pas tout. Deux couples relatent la méfiance croissante des populations locales envers les touristes européens, et racontent avoir été expulsés de leur guesthouse. Ils expliquent alors tour à tour leur nouvelle feuille de route: retour imminent en France, continuation au Laos, départ pour Tahiti, etc.
Il est 19 heures, et c’est quelque peu déboussolées que nous regagnons notre hébergement afin d’évaluer toutes nos options:
- Rester au Laos avec des structures de soins en deçà de ses voisins
- Rejoindre la Thaïlande et s’y installer temporairement
- Rentrer en France et interrompre notre voyage
Dans la nuit, nous suivons le discours présidentiel décrétant le confinement national dès le lendemain, ce qui fait monter la pression d’un cran. Parallèlement, nous apprenons la fermeture de quasi tous les pays et la suspension de nombreux vols internationaux. Bref, il va falloir se décider rapidement!
17 mars 2020. C’est vers 2 heures du matin et le cœur lourd que nous prenons la décision de rentrer en France pour les raisons suivantes:
> Quitte à être bloquées dans un pays, autant que ce soit le nôtre
> Être auprès de nos familles en cas de contamination, voire d’hospitalisation
> Avoir accès à de meilleurs soins
> Ne pas risquer de se faire rejeter par les locaux et ainsi éviter d’entacher une aventure avant tout humaine
UN PARCOURS DU COMBATTANT
Première étape: réservation des billets d’avion en urgence. Ou plutôt DU billet d’avion. Au vue de la multiplication des annulations aériennes, nous préférons en effet booker chaque vol au fur et à mesure de notre retour. C’est ainsi que nous nous retrouvons avec notre premier billet “en poche”: Luang Prabang - Bangkok avec un décollage prévu dans moins de 10 heures.
Quatre heures de sommeil plus tard, et nous nous dirigeons vers l’aéroport. A bord du tuk-tuk, nous commençons à réaliser ce qui nous attend. Heureusement que les blogs de voyageurs recommandent tous une préparation psychologique de plusieurs semaines avant de rentrer... La situation est certes exceptionnelle, mais on sent bien que la réadaptation sera plus difficile qu’à l’accoutumé.
A l’aéroport, nous ne sommes pas surprises devant la longue file de touristes en partance pour l’Europe. L’angoisse est assez palpable…
Dans la salle d’embarquement, nous avons la confirmation du maintien de notre premier vol vers Bangkok. C’est le moment de réserver le prochain trajet, alors que tous les passagers sont déjà en train d’embarquer. Pas évident sur le wifi public laotien, mais on y parvient!
A l'atterrissage à Bangkok, nous découvrons un aéroport quasi désert. Toujours affublées de nos masques, nous nous cherchons un coin tranquille afin de patienter jusqu’à notre prochain embarquement dans… plus de 12 heures!!
En effet, nous avons opté pour un vol à destination de Bruxelles avec escale à Dubaï. Les Emirats n’ayant pas encore fermé leur aéroport et vérifiant la température de tous les passagers transitant par le pays, nous sommes un peu plus rassurées. Mais plus le départ avance, plus les vols annulés se multiplient.
18 mars 2020. Par chance, nous décollons comme prévu. A notre arrivée à Dubaï, nous passons les caméras thermiques et nous nous empressons de vérifier notre prochain trajet pour Bruxelles. L’Europe est enfin à porté de vol!
Deux heures plus tard, et il est temps d’embarquer à bord de notre dernier avion pour un bout de temps! La fatigue commence vraiment à se faire sentir. Heureusement, le temps passe vite et nous arrivons assez rapidement à destination. Il est près de 13 heures lorsque nous posons pied sur le sol belge.
Avant-dernière étape et pas des moindres, la traversée de la frontière franco-belge. A bord du train fantôme reliant Bruxelles à Lille, nous préparons notre défense en cas d’interception par les autorités. Evidemment, la dérogation à présenter ne prévoit pas le cas “retour anticipé de tour du monde”. Nous ajoutons donc notre situation et préparons toutes les preuves attestant de notre bonne foi.
En gare de Lille, plus que 2 kilomètres nous séparent de notre but. Nous les effectuons à pieds avec nos 20 kilos sur le dos, ultime effort de ce retour digne d’un marathon. La ville est d’un calme déconcertant, à l’opposé de ce que nous venons de quitter.
18 mars 2020. Il est 16 heures lorsque nous parvenons ENFIN à destination, après plus de 36 heures de voyage.
RETOUR EN FRANCE & RÉADAPTATION
Pourquoi Lille? De retour d’Asie et ayant transité par des aéroports internationaux au trafic important, nos chances d’avoir été contaminées au cours du voyage étaient loin d’être nulles. Comme préconisé par le gouvernement, nous tenions à nous mettre en quatorzaine avant de rejoindre les personnes à risque parmi nos proches. Nous souhaitions également nous isoler dans une ville facilement accessible depuis Bruxelles.
Nous avons ainsi été particulièrement bien accueillies par des cousins (en excellente santé) résidant à Lille.
La désinfection: dès notre arrivée, il a fallu nettoyer et potentiellement décontaminer toutes nos affaires. Soit des heures de lessive en perspective...
Et puis il a fallu se réadapter. Il y a les bons, et les moins bons côtés...
Le plus facile? Retrouver les bons produits français et les petits plats qui nous ont tant manqué; se doucher à l’eau chaude; pouvoir ranger ses affaires dans une armoire; apprécier l’absence de cafards; se reposer dans un bon lit; retrouver des repères stables, tout simplement.
Le plus difficile? Si on oublie la chute brutale des températures (-30°C), c’est bien sûr ce fameux confinement. En à peine deux jours, on passe de la découverte de grands espaces à une quarantaine en appartement, de dizaines de kilomètres à la ronde à seulement quelques mètres par jour, de rencontres à chaque coin de rue à un cercle relationnel très restreint. Le choc est immense, brutal. A cela s’ajoute la peur lourde de l’inconnu: combien de temps cette situation va-t-elle durer? Comment s’occuper? Où se projeter?
Au bout de deux semaines, nous réservons tant bien que mal une voiture de location pour rejoindre nos proches en Lorraine, où nous ne le savons pas encore mais resterons plus de 6 mois.
WHAT'S NEXT?
Retour chez papa maman pendant 3 mois, au cours desquels nous essayons d’y voir un peu plus clair. Heureusement, nous signons toutes les deux un CDD chez Decathlon pour l’été, nous permettant de reprendre un bon rythme journalier. Nous nous trouvons également un petit studio nous redonnant un semblant d’indépendance.
Nous n’oublions pas notre projet pour autant. Nous scrutons avec beaucoup d’attention l’évolution de la situation dans le monde dans l’espoir de trouver une solution et surtout d’avoir plus de visibilité.
Il y a la possibilité de rester en France quelques années avant de reprendre le voyage. Mais nous doutons d’avoir la même opportunité/disponibilité à l’avenir, sans compter le marché de l’emploi actuel catastrophique.
On pense alors à repartir, en sachant pertinemment que les conditions seront différentes. L’Asie comme l’Amérique du Sud ne rouvriront probablement pas leurs frontières avant 2021, nous obligeant à réviser un peu nos plans. En revanche l’Afrique reste à notre portée. A ce jour et sous réserve de modifications, nous prévoyons ainsi de nous envoler pour la Tanzanie en octobre puis de poursuivre avec la Namibie.
N’y voyez pas là une décision égoïste. Nous avons longuement réfléchi et consultons quotidiennement les blogs de voyageurs sur place pour obtenir des informations les plus fiables possible. Le continent est de loin le moins touché par le virus, et les tests PCR sont obligatoires à l’entrée sur le territoire. Nous prévoyons de porter au maximum notre masque et de rester prudentes sans pour autant basculer dans la paranoïa.
Il ne faut pas oublier que le tourisme tient une place prépondérante dans l’économie africaine. Les témoignages sont sans appel: les voyageurs sont plus que bienvenus et cela en toute connaissance de cause. Nous avons également contacté une association locale pour laquelle nous souhaiterions faire du volontariat sur place. Après leur avoir longuement expliqué la situation, leur réponse a été claire: quand pouvez-vous venir?
Dans un peu moins d’un mois, nous espérons ainsi vous faire partager l’étape africaine de notre tour du monde humanitaire.
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